A la suite de son engagement de poursuivre en justice toutes les personnes qui font des outrages publics en République Guinée, un de nos reporters a échangé avec Abdoulaye Sadio Barry, activiste et président du parti Bloc pour l’Alternance en Guinée (BAG). Au cours de cet entretien, notre interlocuteur est aussi revenu sur certains sujets qui font la grande ‘’une’’ de l’actualité guinéenne. Lisez !
Horoya : vous venez d’annoncer votre engagement à poursuivre toute personne qui proférera des outrages publics à l’égard d’une communauté guinéenne quelconque. Peut-on savoir ce qui a motivé cette décision ?
Abdoulaye Sadjo Barry : Vous savez tout récemment, à la suite de la désignation d’Elhadj Alseny Barry à la présidence de la Coordination Halu Pular de Guinée, j’ai été secoué par la virulence des injures et la prolifération des propos calomnieux, diffamatoires, claniques, régionalistes au sein de la même ethnie. Alors imaginez si le problème se situait entre des personnes appartenant à des ethnies différentes !
Imaginez qu’un groupe, par exemple ce groupe-là qui s’est rendu coupable de tous ces propos et comportements injurieux, manifestaient cela à l’égard des notables ou à l’égard des ressortissants d’une autre ethnie guinéenne ! Très facilement, on peut se retrouver ici dans des violences intercommunautaires. C’est pourquoi, cela m’a un peu alerté. Je me suis dis qu’il faut amener les Guinéens à comprendre qu’il y a des limites que chacun doit respecter. Et la loi prévoit bien ces limites. Elle n’est pas seulement appliquée.
Par exemple si vous prenez la Loi N°2016/059/AN, du 26 octobre 2016, portant Code Pénal guinéen en vigueur en ses articles 361 et 363, ces comportements sont condamnés et il y a des peines qui sont prévues contre ceux qui s’en rendent coupables.
Aujourd’hui, je peux vous affirmer, étant un des Guinéens qui vit à l’extérieur, que sur la toile publique, les Guinéens sont les plus vulgaires, les plus insolents, ceux sur lesquels, il n’y a absolument aucun contrôle. Aucun pays africain, même le Mali où il y a des communautés qui sont en guerre civile, ces genres de propos, de comportements n’existent pas. Ici, c’est parce qu’il y a un laisser-aller total, une culture d’impunité qui s’est installée en Guinée ces dix dernières années, de sorte que beaucoup de gens ne savent pas qu’il y a des limites à ne pas franchir. Là où l’éducation familiale a failli, la loi doit sévir et peut toujours arriver à bout de la personne délinquante.
Comme le chantait en malinké le vieux artiste Koumandjan de Kankan dans les années 70/80, « Si le père, la mère et les parents faillent, la police ligote. Là où les parents échouent, la police est un remède efficace »
C’est parce qu’il y a l’absence de l’application de la loi que notre société est en train d’aller dangereusement à la dérive. Il est temps d’y mettre fin avant qu’il ne soit trop tard.
Il y a deux choses. Premièrement l’image de notre pays qui est de plus en plus ternie devant le monde entier. Et, le souci de préserver un climat social apaisant avant et pendant les prochaines échéances électorales. Parce que quand les campagnes vont démarrer, l’adversité va se déclarer avec les tensions sociales qui vont en découler et, si d’ici là, les gens n’ont pas appris à se donner des limites, le dérapage sera inévitable.
Comment vous allez vous y prendre pour relever le défi ?
Il y a deux leviers sur lesquels il faut appuyer. Le premier, c’est la sanction contre ceux qui ont l’audace, qui osent vraiment franchir les limites en vertu de la Loi.
Le deuxième, c’est la pédagogie. C’est-à-dire utiliser la sensibilisation pour faire comprendre aux jeunes que non seulement de tels comportements ne reflètent pas l’image et les vraies valeurs de notre société, mais aussi qu’ils sont interdits par la loi et que leurs auteurs s’exposent à des sanctions allant des paiements d’amendes à l’emprisonnement, voire aux deux en même temps.
A quoi peut-on s’attendre dans les prochains jours et mois ?
A la mise en œuvre de ce projet avec l’aide des avocats et des pédagogues. Nous comptons mettre en place des équipes de veille et de sensibilisation sur le terrain et sur le champ virtuel.
Vous êtes activiste, leader politique. Aujourd’hui, quelle lecture faites-vous sur l’évolution sociopolitique du pays ?
Vous savez, dans un pays comme la Guinée, la vie n’est pas que politique. Malheureusement, certains jugent le CNRD, le président de la Transition que par la politique.
Si non, nous pouvons observer beaucoup de changements dans le pays ces derniers temps. Oui, beaucoup d’actes positifs posés pour la population et l’avenir de la nation. Notamment le principe de mettre en place une juridiction pour mettre fin à l’impunité par rapport aux crimes économiques, de mettre en place un tribunal qui juge les crimes du 28 septembre de 2009 et poursuivre les auteurs de crimes de sang. Et puis, il y a aussi les projets de construction, tous les chantiers que nous sommes en train d’observés malgré que la Guinée ne bénéficie pas d’aide en ce moment. Je vous rappelle qu’avant que le CNRD n’arrive au pouvoir, les routes n’étaient plus praticables en Guinée. Quitter Conakry pour aller à Mamou, c’était un véritable calvaire. Nous devons tenir compte aussi de ces avancées. Maintenant sur le plan politique, il y a des failles. Dans l’ensemble nous estimons que le processus pour un retour à l’ordre constitutionnel enregistre un retard en suivant le chronogramme même donné par le CNRD.
Entretien réalisé par Amadou Mouctar Diallo